Corpus d'articles du journal Le Monde

Le mois de septembre a été l'un des plus meurtriers pour les forces américaines en Irak. Selon un bilan du Pentagone établi jeudi 30 septembre, au moins 76 soldats américains ont été tués. Un accroissement significatif depuis le transfert de souveraineté des autorités d'occupation au gouvernement provisoire irakien, le 28 juin dernier. 42 soldats américains avaient été tués en juin, 54 en juillet et 66 en août.

Seuls trois mois ont été plus meurtriers que septembre pour les forces américaines en Irak depuis leur invasion du pays, en mars 2003. Le mois d'avril a été le plus lourd en pertes, avec 135 morts, en raison du déclenchement simultané d'une insurrection dans le « triangle sunnite » et dans le Sud chiite.

En mai, 80 soldats américains avaient trouvé la mort. En novembre 2003, 82 soldats américains avaient péri au cours d'une flambée de violences coïncidant avec le mois du ramadan.

Le bilan des pertes militaires américaines en Irak a franchi le seuil du millier de morts le 7 septembre, et s'établit à présent à 1 052 décès, selon les chiffres du Pentagone. - (Reuters.)

Faut-il s'inquiéter de l'euro fort ?

L'euro s'est apprécié vis-à-vis des autres monnaies dans les cinq ou six dernières semaines. Nous sommes vigilants, car nous n'oublions pas que c'est un risque. Mais l'on ne peut pas considérer que nous sortions des limites habituelles. La hausse de l'euro suscite certains problèmes pour le secteur exportateur, mais sert aussi de bouclier contre l'inflation, car c'est une façon de payer moins cher le pétrole. Il n'y aucune raison d'être alarmé par la situation, ni alarmiste.

En France, le premier ministre tire la sonnette d'alarme. L'euro fort est-il une excuse pour une économie en mal de compétitivité ?

Il faut se concentrer sur les choses que l'on peut et doit faire. C'est plus utile et plus efficace. Il faut se demander si, dans chacun de nos pays, nous appliquons les réformes identifiées comme nécessaires pour accroître la compétitivité.

La France a enregistré une croissance nulle au troisième trimestre, craignez-vous qu'elle ne décroche ?

Je ne vois pas pourquoi la France décrocherait. C'est la deuxième économie d'une zone euro elle-même en situation de reprise économique. Le deuxième trimestre avait été extraordinaire pour l'économie française, avec une progression de 1,2 % du PIB bien plus élevée que prévu. Pour l'ensemble de l'année, nous conservons une prévision optimiste, de l'ordre de 2,2 % en France, comme prévu avant les chiffres du troisième trimestre, puis 2,2 %/2,3% l'an prochain, au-dessus de la moyenne de la zone.

Vous proposez de clore la procédure de déficit excessif ouverte à l'encontre de la France en 2003. N'avez-vous plus d'inquiétude sur la situation budgétaire française, alors que se profilent les échéances électorales ? Il y a toujours des inquiétudes, mais les conditions sont réunies pour clore cette procédure. Le déficit s'est maintenu sous le plafond de 3 % du PIB en 2005, 2006 et le sera l'année prochaine. L'endettement commence à se réduire. Cela ne veut pas dire que le travail de consolidation budgétaire soit fini. La question la plus importante n'est pas ce qui va se passer avant les élections, mais la stratégie que l'on va suivre après. Dans le cas de la France, il est nécessaire de continuer l'effort d'ajustement structurel pour atteindre une situation d'équilibre ou de léger excédent à moyen terme.

L'Allemagne redevient-elle la locomotive de la zone euro ? Du point de vue de la compétitivité, l'Allemagne a récupéré des faiblesses accumulées au moment de la réunification, et du fait de la surévaluation du deutschemark lors du passage à l'euro. Cela est dû à une discipline remarquable sur le plan des coûts unitaires du travail. Les entreprises allemandes sont dans une situation financière très positive ; elles augmentent leurs investissements. Le marché du travail évolue dans le bon sens, ce qui soutient la consommation. Tout cela est bon pour l'Allemagne et pour l'ensemble de la zone euro.

Que faut-il faire pour renforcer la gouvernance de l'euro ?

L'euro est un succès, mais en analysant la façon dont la zone fonctionne, je constate que des choses peuvent être améliorées. Il n'y a pas de capacité de décision suffisantes des responsables de la zone au sein de l'eurogroupe. La nomination d'un président pour deux ans nous a aidés ; Jean-Claude Juncker fait un très bon travail. Mais je vois les limites de nos échanges pour mettre en pratique certains accords politiques étant donné le caractère informel de l'eurogroupe. Par exemple, lorsque nous constatons des divergences en matière d'inflation, nous n'avons pas la capacité de prendre des décisions car cela reste une compétence nationale.

De nombreux politiques français mettent en cause le mandat et le statut de la Banque centrale européenne, partagez-vous ces critiques ? La question n'est pas là. Quand nous comparons avec d'autres banques centrales dans le monde la façon dont la BCE fait usage de son indépendance et pilote la politique monétaire, nous ne constatons pas de différence. L'orientation de la politique monétaire ne peut pas être considérée comme restrictive. Les taux d'intérêt sont plus bas qu'auparavant. Les raisons pour lesquelles nous avons des taux de croissance plus faibles dans la zone euro sont plutôt d'ordre structurel. La preuve, c'est qu'avec la même monnaie, les mêmes institutions, les mêmes conditions économies et monétaires, il y a des pays de la zone, comme la Finlande et l'Espagne, qui ont depuis dix ans des taux de croissance très élevés, et d'autres faibles, à l'instar de l'Italie, de l'Allemagne, et du Portugal.

La candidate socialiste à l'élection présidentielle, Ségolène Royal, demande de sortir les dépenses de recherche du calcul des déficits excessifs, est-ce possible ? La récente réforme produit de très bons résultats. Le pacte fonctionne, non seulement du fait de la bonne croissance, mais aussi d'un nouveau consensus dans le domaine budgétaire.

Joaquin Almunia au siège de la Commission européenne à Bruxelles le 28 novembre 2006.

POURQUOI dit-on « non » à la Constitution européenne ? Pour le savoir, il faut écouter les arguments des adversaires du traité, mais il est au moins aussi instructif d'étudier la liste des personnalités et des formations politiques qui appellent à rejeter ce projet, sur lequel Jacques Chirac a décidé de consulter les Français au printemps.

Le « non » est défendu par les perdants des débats de ces dernières années et par ceux qui sont en situation d'opposition dans leur propre parti ou dans leur propre camp. C'est, d'abord, l'attitude protestataire par excellence, déclinée, aux extrêmes, par le Front national d'un côté et, à l'opposé, par les organisations trotskistes.

A côté de cette position de rupture, qui s'étend à tous les sujets, il y a un « non » spécifiquement antieuropéen. A droite, Philippe de Villiers est de retour, comme chaque fois qu'il est question de l'Europe. Il a son pendant, à gauche, en Jean-Pierre Chevènement. Ce sont des politiques monothématiques, comparables à ces ustensiles qui n'ont qu'un seul usage. Ils sortent du tiroir quand une consultation européenne - élection du Parlement de Strasbourg ou référendum - donne envie à une partie des électeurs de dire ce qu'ils pensent de Bruxelles et de contrarier le gouvernement en place, sans que cela ait vraiment de conséquences. Ces électeurs se mettent en congé temporaire de leurs solidarités habituelles, sachant bien qu'aux prochaines élections sérieuses - présidentielle, législatives ou municipales -, ils rentreront à la maison.

La nouveauté du pré-débat référendaire est l'apparition, à droite et à gauche, d'un anti-européanisme de circonstance. La consultation sur le projet de Constitution européenne est l'occasion de dissidences inattendues et plus ou moins avouées.

Même battus dans un référendum interne, les socialistes hostiles à la Constitution européenne ne baissent pas pavillon. Ils mettent François Hollande au défi de leur imposer silence. Ils comptent avec délectation le nombre des députés de leur parti qui se sont abstenus dans le vote sur la révision constitutionnelle, préalable nécessaire à la ratification du nouveau traité. Ils disent qu'ils respecteront le choix des militants, mais certains envoient des signaux qui indiquent nettement la direction opposée.

Ce n'est pas la première fois, dans l'histoire, que les socialistes français se divisent au sujet de l'Europe. En 1954, le congrès du parti avait approuvé la Communauté européenne de défense (CED) par plus de 60 % des voix, mais, trois mois plus tard, les minoritaires du congrès étaient devenus majoritaires parmi les députés. La division du groupe socialiste a entraîné le rejet de la CED, ce qui a eu pour effet d'immobiliser la construction européenne pendant trois ans. Le trouble qui perdure, au PS, peut avoir des conséquences chez ses électeurs.

Depuis les années 1980, le Parti socialiste s'est identifié à la cause européenne, à tel point que Jean-Pierre Chevènement a fini par le quitter. Les socialistes, dans leur majorité, sont acquis à l'idée que l'Union est le meilleur moyen de défendre le « modèle social européen ». Cependant, Lionel Jospin, lors du référendum sur le traité de Maastricht, en 1992, préférait dire « non au non » que, simplement, « oui » à l'Europe. La construction européenne est perçue, par une partie de la gauche, comme le cheval de Troie du libéralisme. Non seulement elle ne protège pas les acquis sociaux, mais elle les fragilise. Le projet de directive sur les services, élaboré par Fritz Bolkestein, ancien commissaire chargé du marché intérieur, est apparu comme la caricature de la concurrence sauvage, que Bruxelles est accusé de vouloir faire régner en Europe.

L'euroscepticisme était endémique, dans une partie du PS, mais la caution que lui a donnée Laurent Fabius est d'une autre nature. Chacun a bien compris que l'ancien premier ministre cherchait à utiliser l'opposition au projet de Constitution comme un levier pour rehausser sa stature dans la compétition des présidentiables socialistes. Le ralliement de la CGT au « non », contre le voeu de son secrétaire général, Bernard Thibault, vient de confirmer que la dissidence de gauche, face à l'Europe, n'a pas dit son dernier mot.

Les arrière-pensées sont à peine moins visibles à droite, mais elles empruntent un chemin plus tortueux. L'UMP et l'UDF approuvent le traité constitutionnel et appellent à voter « oui », mais on y entend distinctement un bruit de fond moins positif. Comme tout référendum, celui qui se prépare est l'occasion de répondre, non pas à la question posée, mais à celui qui la pose. Nicolas Sarkozy et François Bayrou ont, l'un et l'autre, des raisons de souhaiter que le scrutin de juin ne soit pas une victoire pour Jacques Chirac ou, en tout cas, pas pour lui seul. Comme ils ne peuvent pas s'opposer au projet de Constitution, ils mettent à profit l'opposition de leurs électeurs à l'entrée de la Turquie dans l'Union européenne, dont la perspective est défendue par le président de la République.

Dans la majorité comme dans l'opposition, la compétition présidentielle de 2007 perturbe le débat sur la construction européenne. La coalition des partisans de l'Europe est minée par celle des challengers de tous bords. Les sondages donnent une forte avance au « oui », mais le souvenir de Maastricht rappelle que le choix européen n'est jamais gagné d'avance.